Mon père, infirmier de profession 

Le début de son histoire 

Mon père, Henri-Guy, né en 1944 à St-Raymond-de-Portneuf, est le 2^e enfant d’une famille de six. Enfant et adolescent, il aidait, sur la ferme familiale, au jardin, aux soins des animaux et autres. Lorsque c’était la saison, il aimait bien aller cueillir les petits fruits des champs. Pour ce qui est de l’école, il devait s’y rendre à pied, une distance d’un mile à parcourir. Il lui plaisait bien d’apprendre. Sa matière préférée était le français. Arrivé à l’âge adulte, il envisagea, pendant un certain temps, de devenir professeur. Mais c'est en 1965 qu'il s’en alla à Montréal, travailla comme garçon d’ascenseur un été, à l’hôpital Saint-Charles-Borromée, puis entra à l’École d’infirmiers de l’hôpital Notre-Dame de la Merci. Il fit ainsi le choix professionnel de devenir infirmier. Cette profession rejoignait autant ses intérêts intellectuels que sociaux, de même que son besoin d’être actif physiquement dans son travail. 

Les études 

La profession d’infirmier se voulait d’être une profession non traditionnellement masculine. Il fut un temps, soit des débuts de la Nouvelle-France jusqu’aux années 1960, où « les soins aux malades », comme on disait, étaient essentiellement assurés par les congrégations religieuses féminines et, donc, majoritairement par des femmes. Il est considéré que ce sont ces congrégations religieuses qui ont contribué au développement d’un réseau hospitalier au Québec. Elles ont fondé des hôpitaux, dont l’Hôtel-Dieu de Québec en 1639 et l’Hôtel-Dieu de Montréal en 1645. Par ailleurs, à partir des années 1960 les choses changent, et de plus en plus de laïcs sont engagés étant donné que les religieuses, dites hospitalières, ne parviennent pas à répondre aux besoins. Puis, c’est l’État, c’est-à-dire le gouvernement, qui en vient à gérer seul notre système de santé. 

De plus en plus de laïcs sont engagés étant donné que les religieuses, dites hospitalières, ne parviennent pas, à répondre aux besoins.

Sur cet aspect de l’histoire du Québec, mon père, quant à lui, a fait partie des dernières cohortes d’étudiants laïcs formés à cette profession dans un établissement dirigé par une congrégation religieuse. C’est l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu, constitué de frères, qui dirigeait l’École d’infirmiers de l’hôpital Notre-Dame de la Merci. Tel que mentionné ci-haut, c’est à cette école ouverte en 1936 qu’il fut admis en 1965 pour y suivre sa formation.

L’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu dirigeait également à cette période l’École d'infirmiers-auxiliaires de l’Hôpital Saint-Charles-Borromée ainsi que celle de l’Hôpital Saint-Augustin, à Québec. Puis, avec la création des cégeps en 1967, la formation pour devenir infirmière et infirmier s’est vu être dispensée par ces nouveaux établissements d’enseignement plutôt que par les congrégations religieuses. 

Au cours de toutes ses années d’études, mon père a eu à travailler à l’hôpital même où il les suivait. Il fut ainsi rapidement mis en contact avec la réalité de la profession qu’il souhaitait exercer. Il a aussi réalisé plusieurs stages d’une durée chacun de trois mois, dans divers hôpitaux de Montréal : Maisonneuve-Rosemont, Saint-Jean-de-Dieu, Sacré-cœur de Montréal et Sainte-Justine. Il a eu également à en effectuer un à l’hôpital de la Miséricorde, à Québec.

Il côtoya le personnel infirmier de ces hôpitaux qui était constitué principalement de religieuses et d’infirmières laïques; preuve que la profession était alors exercée majoritairement par des femmes. Cela ne l’a pas rebuté. Par le biais des stages professionnels et du travail, il a pu confirmer son choix professionnel. Il y a constaté qu’il pouvait significativement, et de manière concrète, faire une différence dans la vie d’autrui. 

Il côtoya le personnel infirmier de ces hôpitaux, qui était constitué principalement de religieuses, et d’infirmières laïques; preuve que la profession était alors exercée majoritairement par des femmes.

De nos jours, une personne souhaitant devenir infirmière ou infirmier peut suivre un DEC technique en soins infirmiers ou un baccalauréat en sciences infirmières et nursing. Elle peut de même par la suite se spécialiser en complétant des études universitaires de 2^e cycle (p.ex. : diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en sciences infirmières – pratiques spécialisées en soins de première ligne ou DESS en sciences infirmières - en soins à la clientèle adulte). 

Les années d’exercice de la profession 

Une fois diplômé, mon père travailla deux années à Montréal pour l’hôpital Notre-Dame de la Merci, pour ensuite travailler 33 ans, principalement de soir, sur divers départements : médecine, chirurgie, urologie et gériatrie, à l’hôpital de l’Enfant-Jésus, à Québec. Il travailla des fins de semaine et lors de jours fériés ainsi que dut parfois faire des doubles chiffres. À travers cela, il a eu et éduqua deux enfants dont moi, sans avoir le droit à un congé parental car la Loi sur l’assurance parentale n'a été adoptée au Québec que le 25 mai 2001. Il vécut aussi quelques grèves ainsi que quelques réformes de la santé et a vu l’évolution de sa profession. Par ailleurs, malgré la disparition des religieuses, il demeurera sensiblement, sur ses équipes de travail, le seul infirmier. 

Il est à savoir que cela a pris un certain temps avant que les hommes soient admis à l’association de cette profession. En 1920, était créée l’Association des garde-malades enregistrées de la province de Québec (AGMEPQ). En 1946, le nom de cette association est modifié pour l’Association des Infirmières de la Province de Québec (AIPQ), Ce n’est qu’en 1970, que les hommes y sont admis, et l’association devient alors l’Association des infirmières et infirmiers de la province de Québec (AIIPQ).

Puis, en 1974, est réalisée une dernière modification au niveau du nom de l’association; c’est-à-dire que l’AIIPQ est depuis l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). Mon père a bien-entendu été membre de cet ordre. Il est obligatoire d’adhérer à celui-ci si on veut exercer la profession. 

Prendre note que plus de cinquante ans après que mon père ait débuté l’exercice de cette profession, les hommes y sont encore en minorité. Selon l’information sur le marché du travail du gouvernement du Québec, ils ne constitueraient, dans l’ensemble du Québec, que 10,8% du personnel infirmier. Dans d’autres professions, ils sont encore, dans l’ensemble du Québec, sous-représentés. Par exemple, ils ne composeraient que 9,8% des infirmières et infirmiers auxiliaires, que 7,7% des esthéticiennes, esthéticiens et électrolystes, que 3,5% des adjointes administratives et adjoints administratifs et que 2,5% des hygiénistes dentaires. 

Plus de cinquante ans après que mon père ait débuté l’exercice de cette profession, les hommes y sont encore en minorité.

Mon père n’a jamais regretté d’avoir fait le choix d’exercer cette profession bien qu’elle en soit une plus traditionnellement féminine. Il s’est senti parfaitement à sa place en l’exerçant. Selon ce qu’il m’a dit, ce qu’il a le plus apprécié tout au long de sa carrière est d’avoir été en contact avec autrui dans le but de leur venir en aide, se voir même être leur confident. Il s’est vu à accompagner des gens dans des moments particulièrement difficiles de leur vie. Je salue qu’il ai osé de prendre cette voie et je suis fière de tout ce qu’il a accompli. 

Et, cela se poursuit 

L’homme actif et social qu’il a toujours été est encore là. Il lui plaît de jouer aux quilles, de patiner, de se promener à bicyclette, de jardiner et de voyager. À l’aube de ses 80 ans et retraité depuis plusieurs années, il demeure dans « sa vocation », qui est de venir en aide à autrui. Il le fait en s’impliquant bénévolement, surtout auprès du Patro Roc-Amadour et du Tournoi International de Hockey Pee-Wee de Québec. Il y aide, entre autres, au service des repas. Il y côtoie autant des jeunes que des plus âgés. Il est un parfait exemple, parmi tant d’autres, qu’on peut tout autant être utile à la société, rendu à un certain âge. Il me plaît à voir qu’il continue à éprouver du plaisir dans la pratique de diverses activités et dans le dévouement, et j’espère, que quand ce sera à mon tour d’avoir son âge, qu’il en sera de même. 

Annie Perreault, c.o. 

Conseillère d’orientation 

Sources : 

Myriam, Gauthier. Histoire du système hospitalier: un réseau porté par les religieuses. Le Soleil. 15 mai 2020 https://www.lesoleil.com/2020/05/15/histoire-du-systeme-hospitalier-un-reseau-porte-par-les-religieuses-bb48b38ac3b219b458e3c21bbd9ad689/

Ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu. Fonds Ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu. Advitam. 1921-1996 https://advitam.banq.qc.ca/notice/639774 

Ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu. Hôpital Notre-Dame de la Merci. Advitam. 1932-1994 https://advitam.banq.qc.ca/notice/639777?navFonds=true 

Ordre des infermières et infirmiers du Québec. 100 ans d’histoire. 13 février 2020 https://www.oiiq.org/100-ans/historique#:~:text=Le%2014%20f%C3%A9vrier%201920%2C%20un,infirmi%C3%A8res%20et%20infirmiers%20du%20Qu%C3%A9bec 

Gouvernement du Québec. Explorer des métiers et des professions.  https://www.quebec.ca/emploi/metiers-professions/explorer-metiers-professions< 

Gouvernement de Québec. Moments marquants. Régime québécois d’assurance parentale. 19 novembre 2021 https://www.rqap.gouv.qc.ca/fr/a-propos-du-regime/information-generale/moments-marquants